Depuis ma table à dessiner...

Dessiner, peindre, peindre encore, dessiner et peindre chaque jour, constamment. Etre libre et solitaire dans un petit atelier face à l'espace du papier a toujours été pour moi un sentiment de plénitude et d'absolu.

Espace de création

Tour d'ivoire, bulle de création tel est considéré l'atelier. Après avoir élaboré mon vocabulaire graphique dans un minuscule atelier de 5 m² durant 5 ans, je travaille désormais dans les 16 m² de ma " chambre à dessiner " qui fait office d'atelier. Je suis un amoureux des espaces minimums. Vinci affirmait " les petites chambres ou habitations éveillent l'esprit, les grandes l'égarent ". J'approuve ! Ainsi perché sur les pilotis du Brasilia, courbe de béton sur pilotis conçue à la fin des années 50 à Marseille, je contemple la ville, la mer, les collines du massif de Marseilleveyre, l'unité d'habitation de Le Corbusier voisine. Inspiration…

Parcours

Entre-temps, je suis allé sur les chemins de la musique et de l'architecture. Durant 5 années, le piano fut mon partenaire. Partenaire acoustique devenu partenaire graphique. Puis, ce furent les 6 années passées à l'école d'architecture de Marseille où je découvrais la rigueur dans le dessin et la pensée. J'ouvris alors ce grand livre merveilleux qu'est celui de l'histoire de l'Art. Je découvrais surtout le mouvement moderne du Xxème siècle et son chef de file Le Corbusier dont l'œuvre d'une immense force me nourrit constamment. Avec l'architecture c'est avant tout la rigueur qui fût pour moi le maître mot. Etre cohérent dans ses idées devenait pour moi évident et nécessaire. Organiser ma réflexion, unifier les ramifications de l'imagination, mettre de l'ordre à cette " folle du logis " qu'est l'imagination, telle est ma méthode.

Poursuivant mes études d'architecture, je découvrais les liens étroits qui unissent architecture, peinture, sculpture, musique. Synthèse des Arts ! Celle de l'Antiquité Grecque, de la Renaissance, de la Modernité. Le métier d'architecte me tentait évidemment, mais d'un autre côté, je comprenais inexorablement que les deux dimensions de la peinture et du dessin suffiraient à mon épanouissement.

La peinture m'est donc apparut comme étant le lieu de mon épanouissement spirituel. Je cite toujours André Malraux pour exprimer cette idée : " le principal n'est pas d'être roi, mais de trouver son royaume" Avec la peinture, je l'ai trouvé ! Comme une évidence, créer quotidiennement un vocabulaire graphique sur l'espace à deux dimensions devenait un besoin vital. Etre le partenaire constant de ce monde de signes me réjouit. J'ai donc fait le choix de me consacrer pleinement à cet art à la fin de l'année 1999.

Un vocabulaire graphique

En juillet 1998, par une journée de travail, une silhouette est arrivée sur le papier. Un signe silhouette qui, rapidement, est venue se mouvoir et habiter les espaces crées sur le papier, le carton contrecollé ou la toile. Les traces d'encres, d'acrylique, les différents éléments figuratifs allaient accompagner ce personnage qui, pour moi, est plus la "représentation" de l'esprit humain que celle du corps humain. Cette silhouette stable et stylisée parcourt les espaces-plans créés sur papier, contrecollé ou toile. Des figurations épurées dialoguent ainsi avec cette entité graphique récurrente dans toutes les œuvres. Le trait, l'angle droit, le carré et les aplats de couleurs sont les outils formels qui magnifient le graphisme. Un signe graphique auquel je donne donc une dimension universelle de l'esprit humain.

La silhouette et autres signes stylisés sont présentés dans des compositions où la géométrie structure l'espace. Le carré, forme géométrique que j'affectionne particulièrement, est la base de ces compositions qui rythment la lecture de l'œuvre. Autour de cette notion de rythme on découvre que les sources de ces oeuvres graphiques sont la musique et l'architecture. Les notions de rythme et de composition sont fondamentales dans le graphisme que je réalise. Le rythme présente l'idée d'une construction graphique rigoureuse ou le hasard n'a que peu de place. L 'écriture graphique travaillée à la plume apporte quant à elle un certain lyrisme et la poésie dans cette structure solide qu'est la composition rythmée de l'espace.

Autour de l'eau

Les œuvres sont créées avec les encres, l'aquarelle, la gouache, le brou de noix, l'acrylique et l'encre de Chine pour les œuvres sur papier ou contrecollé. Les œuvres sur bois, carton contrecollé et toile sont réalisées avec de l'acrylique et du brou de noix. L'eau unifie ainsi les différents médiums utilisés.

Gamme chromatique et graphisme

J'utilise trois palettes de couleurs :

La première est dominée par les tons lumineux des encres de couleurs aquarellés : jaune vif, rouge sang, tons orangés, bleus et verts. J'ai utilisé cette palette de couleurs pour la création des oeuvres graphiques autour des thèmes musique, tauromachie et golf. Depuis, ces couleurs vives se retrouvent dans mon travail avec l'emploi de la gouache que j'aime énormément.

La deuxième palette de couleurs est celle composée des tons sanguines, bruns, noirs, gris et blancs que j'emploie pour travailler les thèmes graphisme-paysage et paysages fertiles. Par la stylisation des formes le spectateur est invité à poursuivre l'histoire. Cette appropriation de l'œuvre par l'esprit du spectateur fait écho à celle du créateur artiste. La stylisation des figurations suggère, propose…L'idée fondamentale est mise en scène, rythmée. L'esprit du spectateur fait le reste. La plume et le pinceau nourri d'encre de Chine écrivent alors, inexorablement, une suite de signes qui se regroupent autour d'une idée force :

"La silhouette épurée, ou la figuration de masses stylisées dans un espace-plan composé"

J'aime ainsi dessiner et peindre un ensemble de signes graphiques figuratifs qui viennent dialoguer avec le signe-silhouette. Ces éléments graphiques sont avant tout plans car la peinture est le monde bidimentionnel par excellence.

La troisième palette de couleurs est celle employée dans les oeuvres abordant les thèmes des scènes d'intérieur et de bord de mer. Ma sensibilité s'est tournée vers une palette aux tons sourds mais toujours chauds. Une palette de couleurs où dialoguent les noirs, bruns, gris, blancs, rouges, verts, et quelques notes de jaune pale et bleu ciel. Dans les œuvres un travail d'acrylique vieilli au brou de noix apporte des tons patinés très particuliers. Le brou de noix met en avant la texture de l'acrylique que je travaille d'une manière peu diluée.

Influences

Le monde méditerranéen

Je suis un méditerranéen. En effet, j'ai toujours vécu en des lieux et paysages où le soleil du midi écrase la perspective des volumes, accentue les pleins et les vides. Cette lumière franche écrase tout et rend plan les éléments du paysage : architectures, ciel, mer, pins…De ce monde méditerranéen, je reprends des éléments du paysage comme les pins parasols, cyprès, aloes,galets, roche brune qui sont présents dans mes paysages graphiques. La nature méditerranéenne stylisée où se posent les signes graphiques stylisés, purs est ainsi mise en écho avec la beauté des créations humaines que sont la musique et l'architecture. Eléments purs car simples et évidents, immuables : Masses primaires sur pilotis libérant le sol naturel , villes et Villages sur pattes au milieu de pins et cyprès. Nature magnifiée dans sa construction originelle et éternelle. Glorification de ces paysages Homériques où la modernité s'est posée délicatement et où se construisent mes paysages acoustiques.

Un Triptyque ocre, terre de Sienne- brun-orangé de la roche, verts foncé, gris verts des pins parasols et cactées, bleus azur et outremer de la Méditerranée et du ciel apparaissent alors dans mes peintures. les lieux où se retrouvent ce triptyque chromatique que j'ai parcouru et je que parcours encore sont les criques et calanques à la roche découpée par les embruns, les vents et le ravinement dialoguent avec le maquis, les cactées, les pins parasols que l'on trouve dans Bouches du Rhône auMassif du Bec de l'aigle à La Ciotat, dans le Var avec Massif de l'Estérel et sa corniche d'or composée de porphyres (roches volcaniques), le Cap nègre (Le Lavandou), en Corse avec les calanques de Piana (Rochers de granit rose) et en Espagne : Le Cap de Creus (calanques aux tons bruns, orangés, anthracite) qui est la pointe la plus orientale de l'Espagne sur la commune de Cadaqués. Lieux magiques : Cala Culip, cala Fredosa, cala Jugadora.

L'architecture du Mouvement Moderne de la première moitié du XXème siècle

J'interprète des architectures méditerranéennes du Xxème siècle qui sont pour moi de réelles références. Ce sont l'unité d'habitation de Marseille de Le Corbusier, son cabanon àRoquebrune Cap Martin, la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence, œuvre magnifique de Josep Lluis Sert, les maisons modernes d'Eileen Gray E 1027 et Tempe a pailla, des villes et villages comme Marseille, Barcelone, Menton, Roquebrune Cap Martin, Cadaqués, Capri, Naples, les architectures blanches vernaculaires.

Toutes ces architectures qui se retrouvent interprétées graphiquement dans mes œuvres sont des références absolues car elles associent l'universel ( théories du mouvement moderne) et le singulier (le climat et paysage méditerranéens). De tout cela je me nourris. J'interprète graphiquement et, je l'espère, d'une manière singulière ces éléments formels. D'une certaine façon, créer c'est être singulier en maniant l'universel et aussi tenter d'être universel en maniant le singulier.

A côté des cabanons méditerranéens, les magnifiques créations des architectes du mouvement moderne en bord de Méditerranée me sont nécessaires et je me les approprie. Je les pose alors dans ces paysages méditerranéens idéalisés. Paysages appartenant à la côte jusqu'au début des années 1960.

Le monde musical

Outre l'architecture, la musique est une grande source d'inspiration. Je me nourris des oeuvres des compositeurs que j'affectionne particulièrement : Bach, Mozart, Chopin, Debussy, Satie, Villa Lobos. J'y reviens sans cesse et avec un plaisir toujours neuf. Le jazz des années 30 à 50 forme aussi un moment de référence musical avec Miles Davis et Billy Holiday comme figures majeures.

Le monde de l'écrit

La littérature, la poésie et la philosophie sont avec la musique et l'architecture la grande source d'inspiration. L'oeuvre d'André Suarès par dessus toutes m'émerveille depuis 7 ans, celle d'Albert Camus magnifie admirablement le monde méditerranéen et une saine révolte par la création, celle de Friedrich Nietzsche approche l'être lucide vers l'abime de la folie, celle de Nicola Machiavel éclaire sur la nature profonde de l'homme et celle de Sénèque m'apporte un chemin de sagesse nécessaire.

Thèmes

premières années :

Les premières années ont vu les thèmes suivants être une source de recherches très graphiques : musique, tauromachie, abstraction lyrique et anecdote figurative.

"Graphisme en bord de mer" et "intérieurs graphiques" :

Avec la palette de tons sourds, de nouvelles thématiques sont apparues dans mes recherches graphiques : les scènes de plage et autres baigneuses, scènes de bord de mer, les pinèdes, les scènes d'intérieur, les liseuses entre autres.

"Utopaysages", "graphisme-paysage" et " voyage en paysages fertiles" :

Sous ces trois dénominations personnelles, se trouve mes recherches graphiques autour du thème immuable du paysage. Ces paysages épurés, " nettoyés de l'inutile " deviennent alors avec toute la simplification et la naïveté qui les accompagnent mes "utopaysages", mes "paysages fertiles". L'utopie, cette construction imaginaire et rigoureuse d'une société qui constitue un idéal total est pour moi essentielle dans ma pensée créatrice. L'artiste doit être un utopiste, un créateur d'un autre monde…meilleur, évidemment. Imaginer, naïvement, un monde simple et beau fait partie de ma réflexion première qui aboutit à la construction d'une esthétique globale que présentent ces dessins et peintures. Si je devais donner une définition de la notion d'artiste, je dirai que c'est un individu singulier qui ne se satisfait pas du monde réel dans lequel il vit. Vient alors en lui une farouche envie d'être créateur, un besoin vital de se projeter dans un monde imaginaire à la fois personnel et universel. L'artiste est ainsipour moi lecréateur d'un monde subjectif idéal.

Dans la série des "paysages fertiles", mon souhait est d'associer l'abstraction à la figuration. La partie inférieure de l'oeuvre est consacrée à la création d'un "sol abstrait". De cette abstraction nourricière, naît la figuration dans la partie supérieure de l'oeuvre. Une abstraction mère de la figuration telle est l'idée sous-jacente de cette série de peintures.

Les signes-silhouettes habitent ces espaces épurés. L'atmosphère que dégagent ces paysages graphiques est avant tout celle d'un monde silencieux. Les tons chauds de bruns, gris, sanguine, blancs et noirs apportent cette notion de silence nécessaire. Une petite architecture, un pin parasol, un croissant de lune, une chaise longue, un piano, un signe-arbre, un signe-soleil, autant d'éléments figuratifs qui dialoguent graphiquement avec ces silhouettes sereines. Une " dolce vita graphique " en quelque sorte !

Je tente de créer des paysages et espaces pour des Hommes redevenus sages et conscients de la fragilité du monde et de leur propre fragilité. Une vision utopique des espaces investis par l'Homme qui se rapproche du concept de la ville radieuse imaginée au Xxème siècle par l'architecte Le Corbusier. Une organisation de la ville qui n'est toujours pas d'actualité au XXIème siècle où l'expansion chaotique de la ville, plus facile à réaliser, se poursuit inlassablement, inexorablement d'une façon tragiquement destructrice pour notre biotope qu'est la Terre. Cette vision corbuzéenne de l'architecture, de la ville, du paysage et l'œuvre globale de cet architecte humaniste sont pour moi, je le rappelle, une source immense d'inspiration et de réflexion.

"Rythme graphique, rythme acoustique, ombres graphiques, sombrécume, spatioterrae, le temps du rêve, jeu graphique, traces figuratives et lignes de villes " :

Ces séries très récentes d'oeuvres reviennent vers mon affection pour l'épure graphique. Les tons vifs travaillés en aplat dialoguent avec les signes figuratifs noirs. La gouache et l'encre de Chine sont ici associés pour créer ces oeuvres. Mes papiers graphiques quant à eux associent graphisme et mots, à l'unisson.

Intentions

La peinture est ainsi une écriture singulière, un langage qui est à la fois personnel dans sa création et universel dans sa communication. En d'autres termes, un monde de signes à partager. Ce sont alors des signes graphiques qui présentent aux yeux du regardeur des images sensibles. Images sensibles de paysages sereins et silencieux. Mon désir est avant tout de présenter un monde redevenu simple, où l'essentiel, l'immuable est nécessaire et suffisant. Retrouver cet état de nature originelle dont l'Homme se détourne trop souvent. Etre sur les traces de Paul Gauguin et Jean-Jacques Rousseau en quelque sorte ! C'est pourquoi le cabanon est une architecture vernaculaire que j'affectionne particulièrement. Il représente depuis le XIXème siècle une architecture minimum et suffisante permettant une vie simple au contact de la nature. Cette villégiature idéale voir naïve m'inspire, me tente…

Dans mes paysages, le temps s'arrête dans un instant présent nourri d'éternel. L'amor Fati , l'amour de l'instant présent, le seul réel, celui de Nietzsche, d'Albert Camus et des stoïciens, à toute sa place.

Une vision " divine " de la Nature proche de la philosophie stoïcienne est pourtant présente dans ma pensée. J'aime cette idée d'un tout organisé comme l'est le cosmos chez les stoïciens grecs et romains. Ces paysages se nourrissent à la fois de l'éternel du paysage méditerranéen, du mouvement moderne du Xxème siècle, de ce passé si proche de nous et se projettent avec optimisme dans ce nouveau millénaire.

Mes oeuvres ont donc pour ambition première de présenter un moment de sérénité esthétique et graphique propice aux voyages silencieux de l'esprit.

 

............